La Wallonie compte encore quelques anciennes horloges monumentales encore en activité ou dont les caractéristiques ou la renommée justifient qu'on s'y intéresse.

Notre rubrique « Patrimoine campanaire » énonce quelques localités de Wallonie où de tels engins sont encore visibles.

Un travail d'inventorisation des horloges monumentales est en cours. La fiche signalétique utilisée à cet effet et son mode d'emploi peuvent être téléchargés à partir de ce site (rubrique « Patrimoine campanaire »).

Vous pouvez découvrir ci-après l'histoire de la mesure du temps, les modes de fabrication des horloges monumentales et la description de leur fonctionnement.

Histoire

Du cadran solaire à l'horloge mécanique 

Cadran solaire Les jours solaires ont été pendant très longtemps les seuls éléments de mesure du temps disponibles dans la nature.

Dès la haute Antiquité, des cadrans solaires furent utilisés pour diviser le jour en parties égales selon un repérage établi en fonction des différentes positions du soleil. Cet appareil était toutefois inutilisable durant la nuit et par temps couvert. L'heure (solaire) indiquée par ces instruments était en outre légèrement différente d'une saison à l'autre.

Pour remédier à ces inconvénients, il fut nécessaire de recourir à des phénomènes physiques plus fiables, pouvant être reproduits artificiellement.


Clepsydre C'est ainsi que, de l'Antiquité au Moyen Age, on développa des horloges à eau, appelées clepsydres (du grec « klepsydria »), dont le fonctionnement était basé sur la mesure du temps nécessaire à l'écoulement d'une certaine quantité d'eau à travers un orifice calibré (illustration)..

A partir du XIIIe siècle on vit apparaître, en parallèle, les sabliers ainsi que divers procédés basés sur la combustion : mèches à nœuds équidistants, lampes à huile dans des récipients gradués, bougies à taquets incorporés de manière à tomber toutes les heures, etc. La précision de ces instruments restait toutefois médiocre.

L'horlogerie mécanique à engrenages apparut dans nos contrées dès la fin du XIIIème. Elle apporta la solution à ce problème. Cette technique présentait l'avantage d'être indépendante de la lumière du soleil et de permettre la division du jour en petites unités de temps, égales entre elles.

Ceci explique la rapidité de sa diffusion dans nos contrées à partir du XIVe siècle : le chroniqueur Jehan Froissart lui consacre en 1369 le poème « L'Orloge Amoureux », qui fournit des informations précieuses sur le principe de fonctionnement des premières horloges mécaniques. Deux siècles plus tard, Lodovico Guicciardini écrivait dans sa première édition (1567) de la description des Pays-Bas de l'époque : « En toute ville y a plusieurs horloges publiques et privées, mais aussi en quelque village et lieu d'importance que ce soit ».

L'horlogerie mécanique resta toutefois imparfaite jusqu'à la fin du XVIIe siècle, en raison de l'instabilité des premiers dispositifs « régulateurs » permettant de fractionner le temps.

Suite aux travaux du savant hollandais Christian Huygens, qui appliqua le principe du pendule vertical aux horloges, bon nombre d'entre elles furent améliorées dès la fin de ce siècle par remplacement de leur régulateur à foliot par un régulateur à pendule vertical (voir ci-après).

L'opération fut menée avec plus ou moins de bonheur, car il s'agissait d'une modification majeure de leur mécanisme. Aujourd'hui encore, plusieurs  horloges monumentales portent la trace du remplacement de leur foliot par un mécanisme à pendule.


Les premières horloges monumentales

HorlogePersonne ne peut dire avec précision qui imagina le principe des roues dentées, sans lesquelles on n'eût jamais connu d'horloges mécaniques. Notons toutefois que l'usage de roues dentées est fort ancien : Ctésibius (Ktesibios), qui vivait à Alexandrie (Égypte) deux cents ans avant notre ère, en fit usage dans son horloge à eau (clepsydre).  On ne connaît pas non plus par qui les premières horloges mécaniques furent construites.   
Les horloges monumentales du XIIIe siècle n'existent plus. Elles furent les malheureuses victimes de cataclysmes naturels, des guerres, de la négligence et de la convoitise des hommes.

Ces horloges ne possédaient ni cadran ni aiguilles et ne contenaient que deux engrenages (le pignon D, et l'engrenage E). L'ensemble du mécanisme était entraîné par un poids moteur (X) suspendu au tambour (G) qui, en tournant, transmettait son mouvement à l'engrenage E et à l'échappement (A) décrit ci-après. L'indication de l'heure se résumait à un tintement de cloche, toutes les heures (S, T, U). C'est cette sonnerie unique qui attirait l'attention des gens, lesquels ne pouvaient, dès lors, faire la différence entre 10h et 11h par exemple. Il fallait pouvoir contrôler précisément la vitesse de rotation de l'axe principal (F) de l'horloge et la maintenir à la vitesse constante d'un tour par heure. Cette fonction était assurée par le système d'échappement, à l'origine un foliot (voir ensemble A, L, H, J, K), dont les régules (J, K), portés par le fléau horizontal (H), pouvaient être déplacés vers l'axe P-L (ou à l'opposé), afin de régler la fréquence d'oscillation du système et donc permettre d'ajuster la vitesse à une révolution complète de l'axe (F) en une heure.

Le schéma ci-joint est une tentative de reconstitution des éléments de ce type d'horloges, montées à l'origine dans un châssis vertical suspendu et démontable à l'avant par un système de tenons, mortaises et clavettes sans vis ni écrous (voir B, C, Z dans la figure). L'autonomie de fonctionnement de ce type d'horloges, entre deux remontages du poids, était de un jour.


Horloge monumentale du XVIIIe siècle à châssis en forme de parallélépipède (musée de la Cloche et du Carillon de Tellin)Petit à petit, ce type d'horloge a laissé la place à un autre type, de forme parallélépipédique, plus résistant et monté sur un solide chevalet de bois (photo). C'est ce modèle, en forme de cage, qui s'est imposé ensuite et dont il reste de nombreux exemplaires aujourd'hui.

Dans la plupart des cas, ces mécanismes étaient installés dans la partie supérieure des tours afin de profiter de la plus grande course possible du poids moteur et d'augmenter ainsi l'autonomie de l'horloge entre deux remontages successifs de celui-ci. La cloche utilisée pour le tintement horaire (voir U sur le schéma ci-dessus) se trouvait à proximité, afin de pouvoir porter le son le plus loin possible.

Soulignons le grand mérite des innombrables sacristains, marguilliers (pour les églises) et autres personnes (pour les beffrois) qui usèrent sabots et souliers à monter et descendre inlassablement de ces clochers pour remonter le poids des horloges. Dans bien des cas, la trace de leurs nombreux passages est resté gravée, parfois jusqu'à l'usure extrême, dans les marches de pierre des escaliers de ces édifices …   


Le travail du fer et le métier d'horloger au Moyen Age

Pour produire une horloge mécanique fiable, il fallait posséder avant tout une bonne connaissance du travail du métal (le fer forgé en particulier) et être capable de fabriquer les pièces adéquates permettant à la machine de fonctionner correctement, de manière continue, sans trop d'interventions extérieures.

La connaissance des mathématiques était indispensable pour calculer le nombre de dents de chaque engrenage, leurs dimensions, les entre-axes, la longueur de la course du poids moteur, etc.

C'est sans doute pour des raisons pratiques de fabrication de telles pièces que les premières horloges à engrenages furent monumentales. Il semble en effet plus facile de fabriquer de grandes pièces avant de les miniaturiser (la miniaturisation des horloges n'est survenue que bien plus tard, aux XIVe - XVe siècles, en donnant ainsi naissance aux horloges domestiques).  

Parmi les métiers impliqués dans les constructions d'horloges, les forgerons jouaient un rôle important car ils fabriquaient déjà armes, grilles, portails, tirants, clous, gonds, serrures, crémaillères et autres accessoires indispensables à la construction de bâtiments et à la vie domestique. Il n'est pas exclu qu'ils aient profité de la complicité et du savoir de moines savants, détenteurs incontestables de la connaissance, à cette époque.

Dans la plupart des cas, ces artisans maîtrisaient parfaitement l'art du trait et du dessin.

Certains d'entre eux étaient sans doute inspirés par les idées et méthodes appliquées par les Arabes au Moyen-Orient et ramenées en Europe pendant les Croisades. 

Les métiers furent ensuite organisés en corporations locales, aux règles très strictes. Dans tous les pays, les horlogers appartinrent d'abord à la corporation des fèvres (ouvriers du fer), placée sous le patronage de saint Eloi. L'horlogerie et la serrurerie étaient exercées initialement par les mêmes artisans. Par la suite, les horlogers furent parmi les derniers à se grouper en une corporation autonome, la corporation des horlogers, se distinguant définitivement de celle des fèvres.

Toutes les villes avaient leur horloger communal, nommé et rémunéré par l'autorité communale en tant que « gardien du temps », chargé de la surveillance quotidienne, de l'entretien et des réparations courantes des horloges de la ville.

Aucun travail ne peut être produit sans outils adéquats, et la création de machines telles que des horloges en requiert un certain nombre. Certains existaient sans doute, tandis que d'autres, plus spécialisés, furent fabriqués pour des tâches particulières. Ainsi, par exemple, fabriquer une lime à métaux performante pour tailler des dents d'engrenages était certainement difficile, compte tenu à la fois de la rareté des métaux appropriés susceptibles d'être durcis (l'acier) afin de résister au frottement de la lime sur la pièce à usiner, et de la difficulté d'en graver la denture de manière régulière au moyen d'un burin et d'un marteau. Encore fallait-il disposer d'un burin en métal suffisamment dur. La taille des dents d'engrenages était sans doute réalisée après traçage minutieux de leur forme sur une couronne de fer forgé. Leur finition était probablement achevée à la lime.

Nous ne possédons pas de gravures ou représentations du XIIIe siècle pour nous renseigner sur la fabrication des premières horloges monumentales. Difficile donc d'imaginer comment ces artisans produisaient leurs pièces, car il n'y avait pas que la lime à fabriquer ! Nous ne savons pas comment ils tournaient les pivots des axes des engrenages, comment ils perçaient d'épaisses pièces de métal, comment ils centraient les roues d'engrenages sur leurs axes, etc. Les machines-outils n'existaient pas !

AtelierL'illustration ci-jointe représente un ateliers d'horlogerie du XVe siècle ; l'artisan de gauche lime une pièce fixée dans son étau (très probablement un engrenage dont il lime les dents).

A noter que, durant la seconde moitié du Moyen Âge, la « fine technologie » en Europe occidentale était concentrée dans des tours publiques et d'églises. C'est en ces lieux que se rencontraient ces fins artisans. Ils y échangeaient leur savoir dans le domaine de la construction (maîtrise de la verticale et de l'horizontale, découpe du bois, échafaudages, engins de levage, taille de pierres, maçonnage), des moyens de mesure en général (équerres, compas et autres). Les tours hébergeaient, en outre, le fruit d'autres activités techniques telles que le forgeage du fer, le moulage de cloches, la fabrication d'horloges monumentales et de carillons, etc.


Evolutions ultérieures de l'horlogerie monumentale

Parmi les innovations importantes intervenues après le XIIIe siècle, citons :



Mécanisme d’échappement, responsable 
du « tic tac » de l’horlogeAu fil des siècles, les mécanismes d'échappement sont donc devenus de plus en plus complexes, permettant d'augmenter de manière significative la fiabilité et la précision des horloges, dont les procédés de fabrication ont par ailleurs été rationnalisés.

Plus récemment, l'invention de l'oscillateur électronique à quartz a ouvert une ère nouvelle, tant sur le plan scientifique que social. L'ordinateur, dont le cœur est un oscillateur très rapide qui impose son rythme à l'ensemble du système, en est un exemple significatif.

Alors qu'au XIVe siècle, la déviation d'une horloge était de l'ordre de 10 minutes par heure, elle n'était plus, au milieu du XVIIIe, que de 5 secondes par heure. Aujourd'hui, grâce aux horloges atomiques, l'erreur maximale est réduite à une seconde par 3 millions d'années.

A noter que le ressort moteur (largement utilisé en horlogerie domestique portable), n'a pas été appliqué dans l'horlogerie monumentale, qui a conservé le principe des poids moteurs.



Artisans et centres de formation en Wallonie

Il existe aujourd'hui, en Wallonie, deux types d'artisans actifs en horlogerie monumentale :


Divers centres wallons de formation horlogère (IATA à Namur et les Instituts d'Enseignement de Promotion Sociale de la Communauté Française – IEPSCF - de Grâce Hollogne, Namur et Marche) consacrent une partie de leur cursus à l'horlogerie monumentale (voir notre rubrique « apprendre »).